

Géopolitique des corridors ferroviaires
Nous allons surtout nous concentrer sur les sujets géopolitiques dans les zones Eurasie, Asie centrale, Moyen-Orient. Comment voir la lumière dans ces sujets si compliqués, pour lesquels il faut avoir une lecture sur 20, 30 ans ou plus. Et dans des domaines où il y a souvent beaucoup de postures, de propagandes et parfois plus d'espoirs que de réelles concrétisation.
Les connexions ferroviaires internationales jouent un rôle clé dans la coopération, même en contexte de conflit. Depuis 150 ans, l’implantation de lignes ferroviaires a systématiquement contribué au développement économique et social.
Au Moyen-Orient, où les tensions, conflits et blocus sont fréquents, les dynamiques locales diffèrent de celles de l’Europe, où la paix structure les échanges. Dans ces régions, les besoins immédiats des populations, souvent liés à leur subsistance, priment sur les projets à long terme. Pourtant, le train peut devenir un levier d’émancipation et de progrès.
Une simple observation d’une carte révèle que les corridors ferroviaires désenclavent des territoires, créant parfois de nouveaux pôles économiques. Sans ces infrastructures, ces pôles restent confinés autour des ports, limitant leur potentiel de développement.
Les trains des nouvelles routes de la soie
Les désillusions ou les déroutes de la soie ?
Si je devais être critique, je dirais qu'après 10 ans
d'expérience, environ 30 % du projet peuvent être
considérés comme un succès, voire une réussite
exemplaire, tandis que les 70 % restants relèvent
d’échecs ou d’illusions.
Pour les 30 % de succès, il faut reconnaître que le projet reste impressionnant. Sur 10 000 km, de nombreuses entreprises y ont trouvé des solutions optimales : connecter directement un point de départ et d’arrivée avec des délais plus courts que le transport maritime et des coûts bien inférieurs à ceux de l’avion. C'était une idée visionnaire. Même si ces trains n’ont capté qu’environ 5 % de part de marché, ce qui les cantonne à une niche, le bilan n’est pas entièrement négatif. Peut-être que dans 10 ou 30 ans, ces trains auront connu une "refondation" pour une solution plus sérieuse il faut l'espérer.
En revanche, pour les 70 % d’échecs, parce qu'on constate justement que ce marché reste une niche, malgré le battage médiatique à ce sujet dans la presse, pour si peu oserai je dire. On en vient à parler de "déroute de la soie", je suis plutôt d'accord, tout ça pour ça.
J'ajoute les descriptions suivantes : un taux d'aléas trop élevé, donc des retards de transports, des acteurs de la chaîne de transport, comme les chemins de fer chinois, russes, européens, les douanes, des gares frontières, des administrations, des entreprises ferroviaires, des transporteurs ferroviaires privés, des loueurs de conteneurs... De nombreux maillons d'une chaîne qui se font concurrence et avec un manque coopération et de coordination. Résultat : une offre de mauvaise qualité sans prévisibilité.
Dans cette première vidéo faite en 2018, j'étais sincère lorsque je dessinais ce que devaient être les trains, depuis j'ai compris qu'il ne s'agissait que d'illusions.
Les désillusions : Un reportage de CGTN qui date de 2018, à cette époque j'aimais bien faire le kéké à la télé.

Une note publiée dans "La revue Internationale et Stratégique de l'IRIS" n° 107 automne 2017
IRIS - Institut des relations internationales et stratégiques
Enjeux géopolitiques du Fret International, l'exemple de l'Eurasie" Xavier Wanderpepen SNCF Logistics, Directeur du projet "BRI Trains directs France-Chine pour SNCF - Forwardis".
Présentation des trains de la Route de la Soie faite auprès d'entreprises de la Chambre de Commercerce de Valencienne en 2023.
Sans détour sur la réalité de ce sujet dont voici quelques éléments de synthèses :
Les trains de la Route de la soie, qui sont les acteurs ?
Des régions en Chine qui décident des lignes et demandent aux plateformes (des gares) d’organiser ces trains Xi’an, Chongqing, Chengdu, Zhengzhou, Wuhan, et quelques villes plus occasionnelles.
Un système de trains subventionnés. Le coût actuel est d‘environ 9000 USD, la subvention est d’environ 4000 USD (7000 USD pour l’import). C’est une forme de subvention (un peu cachée) aux industries chinoises ou à certains secteurs économiques chinois pour l’import.
Les entreprises de transport ferroviaire produisent et échangent les trains : Chemins de fer chinois, Kazakhstanais, Russes, Biélorusses, et les entreprises privées en Europe
Les opérateurs spécialisés proposent les transports à la vente en organisant les assemblages, conteneurs, wagons porte-conteneurs, programmes des départs, suivis, documents, camionnages avec châssis porte-conteneurs etc. Les principaux sont RTSB, InterRail, DB Eurasia, Forwardis, Bahnoperator, Transcontainer, et quelques opérateurs chinois
Les transitaires : les entreprises habituelles spécialistes de la Chine ou commissionnaires maritimes qui sont en fait les clients des opérateurs.
Les trains ont trouvé leur marché niche : De nombreuses entreprises apprécient cette solution moins chère que l’avion et plus rapide que le bateau. Mais nous sommes loin d’un marché mature qui devrait être de 10 ou 20 % de part de marché. Des aléas délais, des prix trop variables et un manque de visibilité ; un contexte géopolitique incertain dans quelques pays en transit ; donc pour les entreprises BRI une visibilité courte « de mois en mois »
Les années 2022 et 2023 ont prouvé que les transports maritimes et aériens pouvaient être chaotiques ; ports bloqués, prix X 4, bateau Evergreen bloqué à Suez, manque d’avion à cause de la guerre… Beaucoup d’infox sur les chiffres et sur les offres de la part de certains acteurs. La Chine pourra-t-elle toujours subventionner les transports ferroviaires ?
Environ 800 millions USD par an.
Perspectives dans les prochaines années
A l’exclusion d’éventuelles conséquences des conflits armés. BRI un puissant soft-power pour la Chine et un point d’Honneur pour le Président Xi . Mais les trains BRI survivront aux crises ? Même avec des coûts démesurés (800 MUSD c’est peu pour la Chine ? ) Qui oserait saborder ces trains donc la Chine ? (relations tendues Pologne – Bélarus)
Peut-on espérer des trains cadencés et de qualité ? délais 10 à 14 jours .
Cependant Poutine a torpillé les trains BRI de Xi Jinping et pour longtemps
Observer l’évolution du Middle Corridor et surtout les subventions, c’est stratégique pour la Chine en compétition avec la Russie sur la zone Asie – Centrale. Prévoir un fort développement des transports ferroviaires dans les régions
Asie centrale (hors du giron Russe) / Proche orient / Péninsule Arabique dans les 10 ans à venir
Conclusion : Quels conseils pour les entreprises ?
Une opportunité si les bateaux ou les ports bloqués ou absences d’avions, etc… 4 critères essentiels pour le choix du train
- Dépannage si difficultés en bateau ou avion
- Forte valeur du fret donc incidence du taux de fret ferroviaire limitée
- Concept door to door surtout si les entreprises chinoises sont dans le centre de la Chine
- Pour des flux réguliers type industrie automobile, panneaux solaires, etc. Après étude « projet » et appel d’offre auprès de 3 commissionnaires :

Il y a plusieurs Chine et celle des trains des nouvelles routes de la soie .................
L'Europe et la Chine ont des mentalités différentes, j'aime beaucoup la description qui en est faite par le philosophe Heinz Wismann, extrait :
"L'Europe, s'est mondialisée, et cette mondialisation heurte de plein fouet de grandes civilisations antiques. Je prends juste l'exemple de la Chine, j'ai un peu enseigné en Chine, vous entrez dans une pharmacie chinoise, sur le mur de gauche, vous avez les métiers traditionnels. Une médecine traditionnelle doit sa valeur, la reconnaissance qu'on lui vaut, du fait qu'elle n'a jamais changé, qu'elle est dans l'expérience d'une répétition qui est réussie.
Et sur le mur d'en face, vous avez toute la pharmacopée européenne, c'est-à-dire élaborée par la science dans l'esprit d'une amélioration de l'effet produit par le médicament. Et quand vous rentrez dans cette pharmacie, vous êtes dans la schizophrénie chinoise. Et ils préfèrent quoi, la pharmacopée chinoise ou l'occidentale ? Ils basculent de l'un à l'autre, parce que l'empire, c'est le parti communiste, ça n'a rien à voir avec le communisme, c'est l'empire traditionnel, rien ne change, c'est un immobilisme total.
Et dans les zones franches, on produit sur le mode européen de la nouveauté, des colifichés qu'ils nous vendent, etc., avec autant d'adresses qu'ils répriment de l'autre côté. Et les Chinois pragmatiques, pour l'instant, tant que le PIB ne descend pas au-dessous de 5%, c'est ce qu'ils me disent, ça tient parce qu'on trouve notre avantage. Dans les deux.
Or, ils sont hostiles à l'esprit européen. Ils empruntent sur un mur de leur pharmacie, mais ils ne suivent pas l'Europe dans leur manière de concevoir la Chine à venir. Or, vous allez dans les pays arabes, c'est strictement pareil.
Pourquoi Poutine et les Molas s'entendent comme cul et chemise ? Parce qu'ils ont le même rapport au passé incantatoire, un passé invoqué parfois comme un mythe. Mais c'est le maintien de la tradition contre la dépravation. Et la dépravation, c'est l'Europe, en tout cas l'Occident.
Hienz Wismann : L'Europe c'est l'esprit critique. Interview France Inter le 01.04.2024
